La pandémie de Covid-19 avec la mise au point très rapide de vaccins en 2020 a remis en lumière l’importance de la vaccination, encore aujourd’hui, deux cent ans après la découverte du premier vaccin antivariolique.
Si les techniques de développement des vaccins se modernisent et sont innovantes, le principe de leur action reste le même : l’introduction dans l’organisme d’une portion d’un microbe pour qu’il puisse le reconnaître et l’éliminer si il le rencontre plus tard.
1798-2023 : Quelques repères historiques
De l’Antiquité au 17e siècle : constats et essais
Dès l’Antiquité, on notait que les personnes frappées une première fois par certaines maladies infectieuses ne l’étaient pas une seconde fois. Au cours des siècles, dans différents pays et continents, l’utilisation de pus de malades a été essayé contre la variole, mais elle entraînait de nombreux décès.
18e siècle : Edward Jenner et la vaccine contre la variole
En 1796, un médecin de campagne anglais, Edward Jenner, constatait qu’une maladie bénigne des vaches, la vaccine, ressemblait à la variole. Les trayeuses de vaches qui la contractaient étaient protégées de la variole lors des épidémies. En transmettant la vaccine au petit James Phipps et en lui inoculant ensuite la variole, il observe que l’enfant ne développe pas la maladie. Le nom de vaccination est donné à cette opération. Le perfectionnement et la généralisation de la vaccination antivariolique permettront l’éradication mondiale de cette maladie en 1980.
19e siècle : les premiers vaccins de Pasteur :
Choléra des poules et charbon
Un siècle plus tard, Louis Pasteur comprend que les maladies contagieuses sont dues à des microbes et suppose que la vaccine pourrait représenter une forme atténuée de la variole. Une idée le saisit : des formes atténuées d’autres microbes ne pourraient-elles pas protéger contre les maladies qu’ils provoquent ? Dès 1879-1881, il applique sa théorie à des maladies d’animaux d’élevage, le choléra des poules et le charbon des ovins et bovins. Pasteur élargit ainsi la signification de la vaccination : « des microbes affaiblis ayant le caractère de ne jamais tuer, de donner une maladie bénigne (peu sévère) qui préserve de la maladie mortelle ». Il fait des démonstrations publiques pour convaincre de l’efficacité et de l’importance de la vaccination.
Combattre la rage
Pasteur choisit ensuite de travailler sur une maladie à la fois animale et humaine, la rage. Par différentes techniques, il met au point un vaccin qu’il pense être « atténué ».
La rage met plusieurs semaines pour se développer chez l’homme après une morsure d’animal. Pasteur décide donc de vacciner rapidement après la morsure pour éviter que la maladie ne se développe. En 1885, il vaccine le petit Joseph Meister, mordu par un chien enragé. L’enfant ne développera pas la rage, ni trois cent cinquante autres personnes traitées au laboratoire de Pasteur durant les mois suivants.
Pasteur se rend ensuite compte que le virus de la rage qu’il utilise pour ses vaccins n’était pas atténué mais détruit. L’’immunité était donc obtenue par une « substance vaccinale » persistant après la mort du microbe. Cette découverte ouvre la voie à des vaccins à base de microbes tués ou de fragments de microbes. L’histoire de la vaccination va se poursuivre.
Fin du 19e siècle : Diphtérie et tétanos - sérothérapie et vaccins
En 1888, les Français Emile Roux et Alexandre Yersin montrent que la bactérie responsable de la diphtérie sécrète une toxine responsable des signes de la maladie. Deux ans plus tard, un médecin danois montre la même chose pour la bactérie responsable du tétanos. L’équipe du laboratoire de Robert Koch à Berlin, découvre que l’injection à des cobayes de ces toxines inactivées les protège contre ces maladies. De plus, le sang de ces animaux immunisés contient des anticorps contre les toxines.
En 1894, Behring et Roux montrent que le taux de survie des enfants atteints de diphtérie et traités avec une partie du sang de ces animaux (sérum) passe de 40% à 75%. Des améliorations apportées au traitement ont permis d’atteindre 90% de survie.
La vaccination contre le tétanos, encore utilisée de nos jours à titre préventif, sauvera des millions de vies durant de la Première Guerre mondiale.
Années 1920 : une avancée avec les toxines inactivées
Dans les années 1920, Gaston Ramon montre que les toxines contre la diphtérie et le tétanos conservent leur efficacité, même inactivées par le formol. Ces toxines inactivées deviendront les constituants de base de nos vaccins antidiphtérique et antitétanique.
Il découvrira également le rôle des adjuvants, qui accroissent considérablement l’efficacité de la vaccination. Il utilise des composés d’amidon. En 1926, d’autres chercheurs obtiendront des résultats supérieurs avec l’hydroxyde d’aluminium, qui sera largement utilisé par la suite.
1940-1960 : vaccin contre la grippe et apparition des vaccins combinés
Dans les années 1930, l’Américain Jonas Salk met au point le premier vaccin contre la grippe grâce à des virus atténués cultivés sur des œufs de poule. Ce vaccin sera utilisé pour protéger les soldats américains à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 1954, il réalise le premier vaccin contre la poliomyélite, à partir du virus cultivé sur un milieu artificiel, qui sera largement utilisé ensuite. Albert Sabin développe ensuite une version orale (prise par la bouche) de ce vaccin, qui aura du succès dans le monde entier pour sa facilité d’administration et son faible coût. Dans les années 1950-1960 se développent également les vaccins actifs contre plusieurs maladies, notamment le vaccin trivalent diphtérie-tétanos-poliomyélite (DTP) et le vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole (ROR).
Depuis les années 1960 : apport du génie génétique et des biotechnologies
L’évolution des vaccins continue. Dans les années 1970, Philippe Maupas à Tours met au point son premier vaccin contre l’hépatite B préparé à partir d’une portion de matériel génétique (l’antigène) venant du sang de malades Dès 1980, le vaccin contre l’hépatite B est fabriqué par génie génétique. . L’antigène vaccinal est fabriqué par des cellules de levure de bière ou de hamster à qui on a injecté une portion de gène du virus. Dans les années 1980, deux vaccins contre des infections graves dues à des bactéries (méningocoque C, pneumocoque), notamment responsables de méningites fatales ou à séquelles invalidantes, voient le jour. Ces vaccins contiennent des substances provenant de l’enveloppe de la bactérie et protègent contre plusieurs sous-types de bactéries.
En 2006,un vaccin contre les infections à Papillomavirus humains (HPV) (un virus responsable de la survenue de cancers du col de l’utérus) est commercialisé en Europe et aux Etats-Unis.
En 2019, le vaccin contre le virus Ebola est mis sur le marché afin de limiter la transmission d’homme à homme du virus qui a fait des dizaines de milliers de morts en Afrique de l’Ouest.
Les vaccins apparus à partir de 2020 pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 ont montré les progrès récents de la médecine en matière de rapidité de développement et de génie génétique, notamment grâce au développement des vaccins à ARN messager. La vaccination consiste à injecter dans l’organisme non pas le virus mais des molécules d’« ARN messager », fabriquées en laboratoire. Cet ARNm, encapsulé dans des particules de lipides, sans adjuvant chimique, ordonne aux cellules au niveau du site d’injection (principalement les cellules musculaires et les cellules du système immunitaire) de fabriquer une protéine spécifique du virus responsable de la Covid-19, ce qui activera la réponse immunitaire. Il est ensuite rapidement éliminé. L’ARN messager ne pénètre jamais dans le noyau de la cellule et n’a aucune action sur le génome.